Lettre à tous les fidèles du diocèse de Troyes
La nouvelle Maison diocésaine
Troyes, le samedi 29 avril 2023
En la fête de sainte Catherine de Sienne
Chers amis prêtres, diacres, consacrés, laïcs,
En arrivant dans le diocèse de Troyes, j’ai hérité du dossier de l’ensemble Notre-Dame-en-l’Isle mis en route par mon prédécesseur, Mgr Marc Stenger. La situation économique de l’Association diocésaine de Troyes conduit à devoir faire des choix afin que le diocèse ait les moyens suffisants pour la mission, dans une gestion rigoureuse des ressources et des biens immobiliers. Mgr Stenger avait initié une réflexion pour étudier l’avenir des bâtiments de l’ensemble Notre-Dame-en-l’Isle dont le coût de fonctionnement entraîne un déficit ordinaire trop important ; plusieurs commissions et groupes de travail ont été mis en place et ont fourni une matière très intéressante à ce sujet.
Je n’ai pas souhaité porter cette réflexion tout seul en ne m’appuyant que sur les conseils ordinaires. Il m’a semblé indispensable de discerner avec vous ce qu’il est bon de faire et les décisions qu’il convient de prendre. Ce courrier vous présente le processus de discernement tel qu’il s’est déroulé, la décision que je prends et les perspectives pour mettre en œuvre cette décision.
Processus de discernement
Déroulement du processus
Le 6 mai 2022, en la mémoire de saint Prudence, j’ai mis en place une commission intitulée « Maison Diocésaine » afin de rassembler tous les éléments à disposition et d’étudier les possibilités s’offrant à nous pour une nouvelle maison diocésaine, dans l’ensemble Notre-Dame-en-l’Isle ou dans un autre lieu. La commission, conduite par Mme Claire Astier, a présenté plusieurs scénarios possibles, tenant compte du parc immobilier de la Curie diocésaine et des paroisses, intégrant également les offres de tiers.
Le 14 janvier 2023, je vous ai tous invités à une matinée de réflexion autour de la future maison diocésaine. Ce jour-là, la commission « Maison diocésaine » a présenté sept scénarios de maison diocésaine :
- le projet Nouveau Souffle avec un bail emphytéotique avec Habitat et Humanisme ;
- une restructuration du 10 rue de l’Isle et des annexes ;
- une restructuration de l’évêché pour accueillir les services de la Curie ;
- une installation dans les locaux de l’ancienne école Danton ;
- une installation dans les locaux d’une ancienne maison religieuse aux Bas Trévois ;
- une construction dans les terrains liés à la paroisse Saint-Martin ;
- une restructuration de l’église Saint-Bruno pour accueillir les services de la Curie.
Souhaitant que l’Église locale entre dans le processus de transformation et de conversion pastorale voulu par le Pape François, j’ai sollicité l’avis des fidèles présents afin de percevoir ce que l’Église qui est dans l’Aube souhaite vivre aujourd’hui et souhaite dire à nos contemporains du 21ème siècle à travers sa maison diocésaine. Les documents ont été transmis largement afin que ce travail de réflexion et de consultation soit proposé ensuite dans divers lieux du diocèse. Le mardi 31 janvier 2023, le conseil presbytéral a lui aussi invité largement les autres prêtres à prendre part à un temps de partage et de réflexion pour répondre à cette question.
Le fruit de cette large consultation a été rassemblé dans un Document de travail reprenant les grandes convictions exprimées par les fidèles ayant participé à la concertation diocésaine. J’ai ensuite réuni une équipe de discernement avec P. Jérôme Berthier, P. Jean-Marc Grand, Mme Madeleine Gaillard, Mme Geneviève Moreau, Mme Cécile Legris, M. Bruno Després. L’équipe a étudié l’ensemble des participations revenues au secrétariat et le document de travail pour discerner quelle maison diocésaine est souhaitée par l’Église locale, en tenant compte des scénarios présentés le 14 janvier 2023.
Nouveau Souffle
Parmi les scénarios, je tiens à souligner celui de Nouveau Souffle. Sa présentation a été particulièrement appréciée. Depuis mars 2021, les chrétiens engagés dans ce projet Nouveau Souffle ont cherché quel pourrait être le projet qui permettrait à l’Église de l’Aube de poursuivre pleinement sa mission à Notre-Dame-en-l’Isle. S’appuyant sur les deux encycliques du Pape François, Laudato Si’ et Fratelli tutti, ils ont mis en lumière quatre axes principaux : servir, partager, loger et vivre ensemble.
Nouveau Souffle a mis en lumière des éléments essentiels du projet de la maison diocésaine. En premier lieu, ils ont rappelé que le projet ne doit pas être avant tout un projet immobilier et financier : le choix doit être pastoral, la dimension financière et l’immobilier étant au service de ce choix pastoral. L’Église existe pour la mission que lui a confiée le Christ et non pas pour s’auto-préserver. Le sérieux de la mise en place de leur projet fait écho au sérieux de la Commission « Maison diocésaine » et rappelle également que, tout en donnant la priorité au projet pastoral, nous avons le devoir de gérer les biens avec sérieux et sagesse.
Conscient de la pauvreté présente dans plusieurs quartiers, le projet a suscité le désir de s’engager pour aider et accompagner les personnes, les rendant davantage participantes, en œuvrant avec des partenaires. Tenant compte du manque de logement et notamment de logement d’urgence, il a articulé trois axes : les services pastoraux, l’engagement dans la solidarité et la proposition de logements dans l’esprit d’Habitat et Humanisme. Afin que ces différentes réalités ne soient pas isolées, Nouveau Souffle a veillé à ce que l’ensemble des activités de la maison s’articule autour d’un pôle d’accueil et de locaux communs.
Il s’agit là d’une dimension visionnaire, missionnaire, qui nécessite d’être intégrée dans le choix fait de maison diocésaine.
Résultat du processus de discernement
Il apparaît que les catholiques de l’Aube consultés souhaitent que le projet ait suffisamment de souplesse pour s’adapter aux évolutions de l’Église des prochaines années, qu’il soit réaliste et raisonnable, voire même qu’il soit simple et sobre.
Une question préalable s’est posée : souhaite-t-on des bâtiments pour intégrer les différents services pastoraux et administratifs du diocèse, ou préfère-t-on une maison de vie, en tenant compte de l’énergie nécessaire pour maintenir et renouveler cette vie dans la maison diocésaine ? Les retours des diocésains étaient convergents : les fidèles souhaitent que la maison ne soit pas limitée à accueillir des bureaux mais soit un réel lieu de vie, un lieu accueillant, chaleureux, beau, permettant aux personnes de se rencontrer, de partager.
Il a fallu prendre en compte les besoins propres à la curie diocésaine mais également les besoins des paroisses, plus particulièrement des paroisses de l’agglomération troyenne, certains se posant la question du réel besoin de maison diocésaine à côté du fonctionnement des paroisses. La maison diocésaine n’a pas vocation à remplacer ce qui se vit dans les paroisses, la vie chrétienne se développant au cœur et autour des communautés paroissiales. Néanmoins, certaines réalités plus diocésaines, comme l’accompagnement des étudiants, ont pris place dans des locaux paroissiaux et mériteraient d’avoir un lieu propre, davantage situé dans le lieu de vie des étudiants, le Bouchon de Troyes. Le choix s’oriente ainsi vers le développement d’une maison diocésaine dans le cœur de la ville de Troyes, en gérant les différents biens immobiliers se trouvant dans le Bouchon de Troyes afin d’avoir une gestion plus rationnelle des lieux ecclésiaux.
La maison diocésaine s’intègre à l’intérieur du tissu paroissial de l’agglomération troyenne mais concerne l’ensemble des paroisses du diocèse. L’accueil des chrétiens des paroisses rurales est primordial, la facilité d’accès à la maison et d’usage des locaux. La maison diocésaine est la maison de tous les fidèles, la maison de l’Église qui est dans l’Aube. Le processus de discernement insiste sur le choix d’une maison qui rassemble et qui est accueillante.
Décision
L’équipe de discernement est parvenue à un choix unanime, ce choix apparaissant finalement comme une évidence. Je prends donc la décision, suivant le chemin de discernement accompli et le choix mis en lumière par l’équipe de discernement, de vendre l’ensemble Notre-Dame-en-l’Isle se situant au 10 et au 12 de la rue de l’Isle, conservant dans un premier temps les bâtiments du 8 rue de l’Isle pour les besoins du collège Saint-Pierre et pour le logement des prêtres. Le bâtiment situé 8 rue de l’Isle pourra être mis à disposition du collège Saint-Pierre selon des conditions à établir avec l’AIDTEC.
L’ensemble Notre-Dame-en-l’Isle sera vendu à la Ville de Troyes, tout en conservant l’usage du parc pour l’organisation de la kermesse diocésaine. Le diocèse va acquérir les anciens bâtiments de l’école Danton, 2 rue des Anciens Combattants à Troyes, à proximité de la cathédrale et du monastère des Clarisses, avec les logements d’instituteurs qui permettront de bénéficier d’un espace de restauration et de quelques chambres et logements. Le bâtiment donnera sur les berges de la Seine en cours de réaménagement par la Commune de Troyes.
Le diocèse réaménagera cette ancienne école afin de bénéficier d’un espace rationnalisé, avec une isolation conforme aux normes écologiques actuelles, veillant à ce que le bâtiment soit beau et conforme à ce que vit l’Église dans l’Aube. La vente de l’ensemble de Notre-Dame-en-l’Isle (le 10 et le 12 de la rue de l’Isle) permettra l’achat des bâtiments de l’école Danton et des logements, ainsi que leur réaménagement, avec une capacité de financement pour d’autres projets immobiliers.
Projet pastoral
Dans la suite des intuitions de Nouveau Souffle et tirant profit de la réflexion déployée dans le diocèse autour de ce projet de maison diocésaine, nous mettrons en place un projet pastoral. Ce projet pastoral présidera aux choix d’aménagement de la maison diocésaine, mais sera réévalué régulièrement pour s’adapter à l’évolution de la vie de l’Église, veillant à ce que la vie de l’Église soit toujours pertinente par rapport à l’Évangile et à ce que vit notre société.
Les grandes lignes du projet pastoral
Le projet pastoral comprendra plusieurs axes de la vie du diocèse : il comprendra la vie des services de notre diocèse, dans une dynamique missionnaire ; il donnera toute sa place à la dimension caritative et aux projets de solidarité, s’appuyant notamment sur le Secours Catholique ; en cohérence avec le développement de la tête du Bouchon de Troyes, il donnera toute sa place au projet d’éducation et d’enseignement, s’appuyant sur l’Enseignement catholique, accueillant les étudiants et les jeunes pros ; il veillera à offrir une proposition de la foi dans notre société actuelle ; il donnera à la maison diocésaine d’être un lieu d’échange et de partage, la rencontre des divers acteurs permettant la communion des utilisateurs de la maison.
La maison regroupera les différents services pastoraux du diocèse, avec suffisamment de souplesse pour leur permettre d’évoluer vers une organisation en pôles missionnaires, leur donnant de s’ajuster sans cesse pour être au service de l’Église et de ses projets pastoraux. Elle accueillera également les services dits administratifs de la Curie diocésaine. Elle sera organisée de telle sorte qu’elle puisse accueillir deux aspects essentiels de la vie de l’Église avec leur structure propre : la direction interdiocésaine de l’Enseignement catholique et l’Antenne de l’Aube du Secours catholique. Elle accueillera la Pastorale des Jeunes, et plus particulièrement l’aumônerie des étudiants, en cohérence avec la vie des étudiants et le développement universitaire de la tête du Bouchon de Troyes. De la sorte, la maison diocésaine permettra de réunir ces différentes réalités de l’Église.
Le projet pastoral aidera ces différentes réalités à vivre la communion et la fraternité. Il donnera aussi sa place à différents projets, qui pourront évoluer selon le temps, en veillant à répondre à certains besoins, à annoncer l’Évangile dans un soutien particulier aux hommes et aux femmes, de tout âge. Ainsi, en cohérence avec la vie des paroisses, le projet pastoral pourra proposer de multiples choses dont certaines ont été mises en lumière dans la proposition de Nouveau Souffle ; ce pourrait être un soutien pour la réinsertion, un accueil et un accompagnement de personnes migrantes, un accueil d’urgence, une maison pour les familles, un café solidaire, etc. Le diocèse développera ainsi des partenariats pour une bonne mise en œuvre.
L’ensemble sera suffisamment grand pour accueillir cette vie d’Église mais non pas surdimensionné. Il comportera un accueil et un lieu central de rencontre, qui permettront aux différents utilisateurs de se rencontrer, d’échanger ; les différents espaces seront organisés autour de ce nœud central du bâtiment. Les logements permettront que des personnes engagées dans la vie de l’Église habitent les lieux, car la vie ne peut se développer que si des disciples missionnaires vivent concrètement sur place.
Il apparaît important que la maison bénéficie d’une chapelle, d’un lieu où l’on peut se recueillir pour prier ou pour proposer des temps spirituels. Ce lieu sera le poumon, le cœur de la maison diocésaine.
Développement ultérieur
Dans un deuxième temps et à condition de bénéficier d’un apport financier extérieur à travers un mécénat ou le soutien d’un bailleur ecclésial, l’Association Diocésaine de Troyes cherchera à acquérir l’ancienne chapelle de Saint-Quentin qui jouxte les bâtiments de l’école Danton, actuellement entrepôt du Théâtre de la Pierre Noire ; il s’agira de transformer ces bâtiments pour retrouver la chapelle du onzième siècle dont subsistent quelques vestiges ; de la sorte, la Maison diocésaine s’inscrira dans l’histoire plus ancienne d’installation de l’Église dans le cœur de Troyes, aux abords de la cathédrale, et offrira une véritable chapelle qui sera le cœur vivant de la maison diocésaine.
Conclusion
Voilà, chers fidèles du diocèse de Troyes, le fruit de notre discernement ecclésial et le visage que va prendre la maison diocésaine. Cette décision est en lien et en cohérence avec la réflexion déjà initiée sur la manière d’habiter le territoire et la transformation pastorale et missionnaire de la vie diocésaine et paroissiale. Il n’était pas facile de prendre une décision pour envisager l’avenir de l’ensemble Notre-Dame-en-l’Isle ; nous avons maintenant un projet qui doit demeurer en cohérence avec la vie évangélique, avec la vie ecclésiale, tenant compte de nos moyens humains et de nos moyens matériels. Ce projet s’inscrit dans une vision avec la perspective de donner à chacun de vivre et de témoigner de l’Évangile, ouvrant le chemin pour que notre Église diocésaine réponde avec enthousiasme et espérance à ce que le Christ lui a confié et qu’il attend d’elle.
Il faudra du temps pour la réalisation de cette nouvelle maison diocésaine, sans doute trois ou quatre années. Dans un premier temps, nous conserverons l’usage des bâtiments de Notre-Dame-en-l’Isle ; il faudra envisager ensuite une installation provisoire en attendant que soit achevé le réaménagement des locaux de l’école Danton et sa transformation en maison diocésaine.
J’ai obtenu le consentement du Conseil Diocésain pour les Affaires Économiques le jeudi 13 avril 2023 et celui du Collège des Consulteurs le vendredi 28 avril 2023. Avant que la décision de vente soit actée définitivement, il faudra attendre encore la licence du Saint-Siège pour l’aliénation de l’ensemble de Notre-Dame-en-l’Isle.
Je remercie chacun pour sa participation à la réflexion diocésaine, tout particulièrement ceux qui ont consacré beaucoup de temps à ce projet, avec enthousiasme et compétence. C’est ensemble que nous construirons la nouvelle maison diocésaine et son projet pastoral. Je vous assure mon total dévouement pour notre Église et notre diocèse.
+ Alexandre Joly
Comme disait un de mes maitres, Gerard Mendel : » ce à quoi tu ne peux échapper, choisis le »
Je chois donc d’accepter malgré ma déception.
Je sais les longues réflexions étayées et les situations complexes. Danton était mon dernier choix, préoccupée par le souci de la municipalité de se libérer de ce boulet depuis 10 ans.
Je suis sûre que la créativité de la communauté chrétienne saura donner vie à ce lieu en inventant du neuf et en ouvrant des espaces autrement
Belle vie à la nouvelle maison et ma gratitude à ceux qui ont planché.et à Mgr Joly qui a du trancher.
» Perdre pour laisser place à la trouvaille » disait Apollinaire
Marie-Françoise Bonicel
Pour ma part je suis satisfaite. C’était mon 2ème choix après une proposition d’un projet neuf qui n’a pas été faite. Je conçois bien le « crève-cœur » que représente l’abandon de la maison NDI; chargée d’histoire ecclésiale, personnelle, pastorale…
ce projet est le moins enclavé, le plus proximal du monde étudiant – si l’on veut misé là-dessus. Il offre de l’espace intérieur et extérieur.
Il laisse une enveloppe pour d’autres projets – tel Nouveau Souffle (si tant est que la ville de Troyes ait encore les moyens de racheter NDI après le coup « Henri Terré » – EE du 29.04)
Je le place sous la protection, l’audace et la bienveillance de Sainte Catherine de Sienne: qu’elle accompagne et veille sur ceux qui auront à le réaliser et à le faire vivre.
en communion avec le père Alexandre qui a du trancher. Yalla !
Dans ces moments complexes de transition, prenons l’occasion de vivre cette étape comme une opportunité de renouveau.
Notre Église a besoin de se redynamiser et de dépoussiérer ses vieilles étagères.
Saisissons cette opportunité pour insuffler de nouvelles idées et faire rayonner l’amour du Christ autour de nous, surtout dans ces périodes de crises.
Je pense à toutes ces personnes toujours seules dans nos villages de l’aube dont les églises resteront toujours fermées, qui ne pourront toujours pas communier, ou se faire porter la communion, mais qui garderont toujours ce souvenir de la beauté de vivre la messe malgré ce nouveau souffle qui ne viendra pas jusqu’à eux.. Comme nous manquons de prêtres, laissons les diacres rouvrir ces églises fermées pour leur donner un nouveau souffle de vie par leur présences et leurs célébrations.
Inutile de rappeler tous les ouvrages que les saints de notre « famille » ont écrits pour insister sur l’importance de la messe.
Bien à vous mes frères,
Gilbert Loiodice