Retrouvez ci-dessous les textes de la messe chrismale, célébrée mercredi 20 mai.
Messe Chrismale
Mercredi 20 mai 2020
INTRODUCTION
Ce soir nous célébrons une messe chrismale un peu exceptionnelle. D’habitude elle s’inscrit dans le déroulement de la Semaine Sainte et le Saint Chrême que nous consacrons pendant cette messe peut servir pour les baptêmes de la Vigile pascale. Nous avons dû y renoncer. Ce qui est toujours vrai c’est que cette célébration veut manifester l’unité de notre Eglise diocésaine, baptisés, ministres ordonnés, autour de son évêque. Cette unité n’apparaît pas cette année dans un rassemblement effectif du Peuple de Dieu, _comme c’est la coutume. Mais ce soir nos cœurs sont rassemblés, unis dans le Christ, lui qui est venu pour nous guérir et nous sauver. Ce soir aussi les prêtres et les diacres avec l’évêque renouvellent leurs engagements, ceux qu’ils ont pris au moment de l’ordination. Là aussi nous devons accepter de ne pas être ensemble pour dire notre volonté de continuer à servir et à donner le Christ à nos frères. Nous le ferons quand nous aurons de nouveau la possibilité de nous rassembler, sans doute à la rentrée diocésaine, début octobre. Mais dès maintenant c’est d’un seul cœur que nous ous remettons face à nos engagements pour les renouveler au au service de l’Eglise et de nos frères humains.
Que le Seigneur en ce soir fasse grandir notre unité.
Homélie Lc 4, 16-21
C’est le passage de l’Evangile de Luc que nous entendons chaque année à la messe chrismale qui donne le ton de celle que nous vivons ce soir. Bien-sûr c’est la messe où l’on bénit les huiles, et où on consacre le Saint Chrême, qui vont servir pour accompagner les étapes de la vie chrétienne dans notre diocèse. Mais c’est d’abord la messe du peuple de Dieu qui est dans l’Aube, de l’Eglise qui est à Troyes et qui veut se réunir autour du Christ, dont la mission se dévoile dans le prolongement de la prophétie d’Isaïe. Tous ceux qui étaient dans la synagogue de Nazareth au moment où Jésus lit solennellement le texte du prophète ont les yeux fixés sur lui. Il énumère à la suite du prophète tous les hommes dans le besoin, dans le manque, dans l’attente et nous dit que c’est pour eux qu’il est venu.
Aujourd’hui il nous dit que c’est pour nous tous qu’il est venu, car nous aussi nous sommes des hommes dans le manque et le besoin. C’est la grâce de cette relation du Christ avec les hommes que nous célébrons au moment de bénir les huiles dans cette messe chrismale 2020. Nous sommes peu nombreux à être physiquement présents à la célébration pour les raisons que nous savons. Mais nous faisons partie d’une foule nombreuse, la foule de ceux qui veulent être dans l’amitié du Christ, qui ont besoin de l’amitié du Christ pour vivre, catéchumènes, baptisés, confirmés, ordonnés, malades et bien portants, membres d’un peuple qui veut faire route avec lui et le reconnaître comme le Seigneur et le Sauveur. Les huiles saintes sont en quelque sorte le liant de cette relation de Jésus avec tous et avec chacun au milieu de tous. Pendant le temps du confinement, nous avons pu être parfois habités du sentiment de ne plus vivre cette proximité. Mais ces huiles saintes qui vont servir tout au long de cette année pour accompagner la vie des chrétiens seront le signe de la présence de grâce du Christ, de son réconfort, de sa volonté de nous guérir.
Aujourd’hui plus que jamais notre monde a besoin de soins, notre Eglise a besoin de soins et chacun de nous a besoin de soins. Bien-sûr en ce moment, au premier plan de nos préoccupations, il y a le souci des conséquences du coronavirus. Mais nous le savons, d’autres épreuves, d’autres injustices, d’autres violences traversent le monde, d’autres blessures, d’autres souffrances, d’autres afflictions continuent à traverser notre Eglise et tout cela fait partie de notre histoire chrétienne à vivre.
En s’identifiant à la prophétie d’Isaïe, Jésus détaille cette foule si diverse dont il a voulu, dont il veut être proche et de quelle manière il veut en être proche. Cette messe chrismale est le moment où nous pouvons reconnaître qu’à travers ces huiles que nous bénissons, c’est une grâce de vie et d’espérance qui s’offre à nous tous, qui que nous soyons.
Cette célébration de la bénédiction des huiles et de la consécration du Saint Chrême est donc la célébration de la rencontre de Jésus avec une foule dont nous faisons partie et qui n’a rien d’anonyme. Les huiles que nous allons bénir et consacrer marquent les étapes du chemin que chacun parcourt avec Jésus. C’est l’histoire particulière de chacun. Je pense aux catéchumènes. Ils veulent suivre Jésus parce qu’ils ont découvert qu’ils ont besoin de lui et qu’il est pleinement pour eux. Et c’est l’histoire de toute notre Eglise, concernée par chacun et qui demande pour chacun la grâce du Christ.
Ce que nous dit l’Evangile, c’est que ceux qui ont besoin de Jésus ont un nom que la prophétie d’Isaïe vient rappeler. Ce sont les pauvres à qui la Bonne Nouvelle est annoncée. Des pauvres comme la pauvre veuve de l’Evangile ! Elle a reçu par Jésus la joyeuse annonce que ses actions, sa modeste obole, ont du poids dans le Royaume et comptent plus que toutes les richesses du monde. Ce sont les aveugles à qui est annoncé le retour à la vue. Des aveugles comme Bartimée ! Seul le regard de Jésus a pu permettre que lui soit restitué l’éclat de sa vie ; ce sont les opprimés, les traumatisés. Les traumatisés comme le blessé sur la route de Jérusalem à Jéricho, qui a trouvé sur son chemin un Bon Samaritain pour oindre et panser ses plaies. Ce sont les prisonniers de toutes les barrières, de toutes les chaînes que Jésus a libérés et sortis de leur enfermement.
Cette messe chrismale est aussi tout particulièrement la messe où les prêtres et les diacres renouvellent autour de leur évêque leurs engagements. Aujourd’hui nous sommes obligés de le faire à distance les uns des autres. Nous trouverons un moment, à la rentrée diocésaine, pour le faire tous ensemble. Tous ceux que la prophétie d’Isaïe énumère et que l’onction du Seigneur ne cesse de relever et de vivifier, c’est à nous, chers amis prêtres et diacres, qu’aujourd’hui ils sont confiés pour recevoir l’onction du Seigneur. Elle ne marque pas seulement des étapes sacramentelles, elle marque des étapes de vie.
Mais ce sont d’abord les étapes de notre propre vie qui ont été marquées. En recevant nous-mêmes l’onction au moment de l’ordination, les pauvres que nous sommes ont été enrichis par le Seigneur. Nous, prêtres et diacres, nous sommes nous-mêmes des pauvres et nous voudrions avoir le cœur de la pauvre veuve qui donne de son nécessaire pour l’autre, lorsque nous touchons la main du mendiant et le regardons dans les yeux. Nous prêtres et diacres, nous sommes Bartimée et chaque matin nous avons à nous lever, en demandant au Seigneur : « Seigneur, fais que je voie ». Nous, prêtres et diacres, nous sommes le blessé au bord de la route et nous avons besoin de nous trouver d’abord entre les mains compatissantes du Bon Samaritain pour pouvoir ensuite avec nos mains prendre compassion des autres.
Chaque fois que nous voulons aborder l’autre pour l’oindre, chaque fois notre propre onction a besoin renouvelée. Nous ne sommes pas des distributeurs d’huile en bouteille. Nous sommes invités à reconnaître que nous sommes nous-mêmes ces pauvres, ces aveugles, ces opprimés, ces prisonniers, pour qui le Christ est venu et nous sommes oints par lui, pour nous donner nous-mêmes, pour donner notre vocation et notre cœur, pour donner la foi et l’amour que nous avons pour notre peuple. Nous faisons l’onction en nous salissant les mains en touchant les blessures, les péchés, les angoisses. Nous faisons l’onction en nous parfumant les mains non pas par du gel hydroalcoolique, mais par la foi, l’ espérance, la fidélité, la confiance, la générosité de tous ceux vers qui nous sommes envoyés. Celui qui apprend ainsi à oindre et à servir se guérit de la lassitude, de la mesquinerie, de l’abus et de la cruauté et aujourd’hui nous redemandons au Christ de nous guérir. Prions, chers frères prêtres et diacres, en nous mettant avec Jésus au milieu du peuple des pauvres, des aveugles, des traumatisé, des prisonniers qui veulent le rencontrer. Unissons-nous pour implorer sa grâce pour le peuple de Dieu que nous sommes.
CONCLUSION
Demain nous allons continuer notre route vers la Pentecôte en fêtant l’Ascension. La messe célébrée à la chapelle de l’évêché ne sera pas enregistrée et diffusée pour des raisons pratiques, mais vous pourrez trouver l’homélie que je vous propose pour cette messe, afin que nous soyons en communion, sur le site du diocèse. Entre l’Ascension et la Pentecôte, à partir du vendredi 22 mai, je vous propose une neuvaine à l’Esprit Saint, dont vous trouverez les fiches quotidiennes sur le site. Le Saint Esprit reste souvent pour nous celui dont nous ne savons bien parler, car il ne correspond à aucune définition ? mais dont nous croyons qu’il est présent en nous, envoyé par le Christ pour nous donner vie, souffle, énergie, dynamisme dans le quotidien de notre vie de chrétien. Ces fiches voudraient vous aider à vous familiariser avec lui, à mieux le reconnaître dans votre cœur et à lui demander sa force pour vivre chaque jour. A l’évêché aussi nous ferons cette neuvaine. Je vous invite donc à la communion sur le chemin vers la Pentecôte.
+Marc STENGER
Evêque de Troyes