Entreprendre un chemin de discernement
En convoquant la XVIe assemblée générale du synode des évêques, le pape François a apporté des nouveautés importantes à une institution mise en place par saint Paul-VI en 1965. Cette institution, nouvelle dans sa forme, ne l’est pas dans sa réalité car l’Église a toujours veillé à développer une dimension synodale, sans doute davantage dans les premiers siècles qu’au cours du deuxième millénaire. Puisant dans l’Écriture sainte et la Révélation, les chrétiens ont compris très vite que l’Église concerne tous les membres, que les grandes questions doivent être travaillées et portées par l’ensemble du Corps du Christ et non pas uniquement par quelques-uns. L’assemblée de Jérusalem, dans les Actes des Apôtres (chapitre 15), en donne un beau témoignage.
Le pape François a voulu donner une impulsion encore plus forte : en plus d’inviter à réfléchir sur l’Église elle-même, sa dimension de communion, sa dimension missionnaire, la participation de chacun à sa vie et à sa mission, il a invité l’ensemble des baptisés à prendre part au travail de discernement de ce synode des évêques. Au mois d’octobre, plus de 360 membres, évêques ou non, seront réunis autour du pape pendant un mois, commençant par une veillée œcuménique à l’initiative de Taizé, le rassemblement Together, une retraite spirituelle de trois jours, avant d’entrer dans le temps de l’écoute et du discernement dans l’Esprit.
Certains attendent des bouleversements radicaux, d’autres craignent des modifications déroutantes. Il n’est pas facile de poser un regard de foi sur une réalité du mystère de l’Église, tant nous sommes marqués par la logique du monde. Nous semblons si à l’aise avec des perceptions plus binaires : l’Église doit être progressiste ou bien elle doit veiller à demeurer conservatrice. Le vrai défi n’est pas là : l’Église, au fil des siècles, est interpellée par Celui qui l’a fondée, le Christ Jésus lui-même, pour entreprendre sans cesse le chemin de conversion qui la conduit à une plus grande fidélité. L’Église n’est pas une institution recroquevillée sur elle-même, ni même une réalité spirituelle qui doit s’adapter aux mœurs du temps présent : elle est la communauté des disciples missionnaires du Christ qui cherchent à vivre ensemble la communion de Dieu et en Dieu, et à annoncer sans cesse la bonne nouvelle du salut apporté par le Verbe fait chair.
Découvrir le chemin de conversion pour une plus grande fidélité nous conduit devant cette question que me posait une confirmande en s’inquiétant pour sa propre vie chrétienne : « Comment savoir ce que Dieu veut, comment être sûre que je ne me trompe pas ? » L’Église a développé, au cours du temps, la spiritualité du discernement dans l’Esprit. Ce discernement, ecclésial, permet, à travers l’écoute et le dialogue, d’entendre la voix de Dieu qui parle à travers tous les baptisés confirmés, qui parle à travers les autres chrétiens, qui parle à travers de multiples autres réalités. Les récents synodes n’ont pas toujours été le lieu d’un parfait discernement dans l’Esprit ; c’est pourquoi le pape François bouscule les habitudes et attend des membres du synode une profonde disponibilité à la Parole de Dieu, à l’écoute de l’autre. Souvent, on arrive avec nos convictions, nos certitudes, nos attentes, nos peurs ; certains se plaisent aux débats parfois houleux, d’autres manœuvrent pour faire valoir leurs idées personnelles, d’aucuns se braquent et s’enferment dans des positionnements rigides.
La famille, l’école, le travail, la paroisse, la vie de la société, la vie politique, sont des lieux où nous rencontrons des pensées différentes, des convictions parfois opposées aux nôtres. Comment écouter l’autre et ainsi écouter Dieu qui nous parle ? Comment, avec l’autre, si différent soit-il, entreprendre un chemin de discernement pour découvrir ce qui est juste, ce qui convient, ce qui est bon, ce qui est beau ? Le synode des évêques étant une célébration, nul doute que l’Esprit sera à l’œuvre et nous donnera la possibilité d’éclairer le successeur de Pierre dans les choix qu’il doit faire pour l’Église aujourd’hui.
À Rome, les membres du synode des évêques – et moi le premier – devront apprendre la patience et la douceur, la force des convictions et la docilité aux surprises de l’Esprit Saint, pour découvrir ce que Dieu attend de son Église aujourd’hui. Au-delà de l’événement du synode des évêques, c’est ce que nous apprenons en Église, ce que nous cherchons à mettre en œuvre dans notre diocèse, nos paroisses et nos communautés, et jusque dans nos familles, en espérant que cela sera contagieux dans le monde et contaminera notre société. Puisse l’Esprit trouver des cœurs ouverts à sa présence et à son action pour que nous puissions comprendre et réaliser ce que Dieu attend de nous aujourd’hui.
Mgr Alexandre Joly