François : un pape qui vit avec son temps

 

 

Voilà dix ans que le pape François a été élu pour conduire l’Église aujourd’hui. Nous avons découvert cet homme venu d’Amérique latine. Nous qui étions habitués à un pape issu de l’Occident, on peut dire que le Seigneur nous a surpris. Il nous a surpris par la simplicité de cet homme, par son style direct, par la force de ses paroles et de ses gestes. Nous retrouvons l’audace et la puissance des prophètes, dont Jean-Baptiste est la figure la plus aboutie. Il n’a pas peur de dire les choses ; quand on lui reproche le caractère un peu trop fort d’une expression, il ne se démonte pas et la reprend à nouveau à l’occasion d’une autre rencontre. Ainsi, lorsqu’il a comparé l’avortement au fait de solliciter un tueur à gages. Nous étions sans doute plus habitués à un langage plus mesuré, dans le style de nos propos ecclésiaux. Mais le pape François vit avec son temps, et veut que l’Évangile du Christ résonne aujourd’hui au cœur de nos contemporains pour qu’ils se mettent à la suite du Christ et deviennent de vrais disciples missionnaires.

 

Certains adulent le pape François et le citent comme jamais ; d’autres sont à l’affût de la moindre parole afin de montrer qu’il n’est pas à la hauteur. Il ne nous est pas si facile d’accueillir un successeur de Pierre qui n’a pas les mêmes points de repère culturels et philosophiques. Toutefois, qu’on l’apprécie ou non, il est celui que le Seigneur a mis à la tête de l’Église pour la conduire aujourd’hui, en tenant compte des caractéristiques de notre temps, dans une plus grande fidélité au Christ. S’il n’est pas question de mettre sur le même niveau toutes ses prises de parole (une encyclique est un acte de magistère, en revanche une interview dans l’avion n’a pas d’autorité magistérielle mais explicite dans le langage de nos contemporains tel ou tel point de son ministère), s’il ne nous est pas demandé d’adhérer de la même manière à tous ses propos (respectant la grande diversité des niveaux du magistère), n’oublions pas qu’il est celui que l’Esprit a choisi comme successeur de Pierre aujourd’hui. Notre foi dans le Christ et dans ses paroles nous conduit à la confiance.

 

Il serait bien difficile de résumer ces dix années de pontificat et nous risquons d’être encore surpris par son ministère de pape. Notons tout de même l’exhortation apostolique La joie de l’Évangile par laquelle il nous a mis en route sur le chemin de la conversion, nous demandant d’être des disciples missionnaires, rayonnant de la joie qui vient de Dieu. En publiant l’encyclique Laudato Si, il a mis la lumière sur le respect de la création, nous invitant à écouter le cri de la Terre et le cri des pauvres. En nous invitant à aller aux périphéries, il nous demande depuis dix ans d’accepter d’être déplacés, déstabilisés, d’écouter ceux qui sont plus loin, ceux qui sont plus en marge, en accueillant ce que Dieu peut nous apprendre et nous enseigner ; il renouvelle l’appel reçu par Abraham : « Va, quitte ton pays et la maison de ton père pour le pays que je t’indiquerai. »

 

Enfin, dans la suite de ces successeurs et retrouvant les fortes inspirations des premiers siècles de l’Église, il a choisi de donner une tout autre force à la dimension synodale de l’Église, ouvrant le synode sur la synodalité et demandant à toutes les Églises particulières du monde de se mettre en route pour réaliser un discernement sur ce que Dieu attend de son Église aujourd’hui. Cette invitation enthousiasme les uns et crispe les autres ; cependant, l’appel lancé par le pape François n’est autre qu’inviter chaque chrétien, au nom de son baptême et de sa confirmation, à vivre de la communion avec Dieu, avec ses frères et sœurs en Christ, à participer pleinement à la vie et à la mission de l’Église, à répondre à l’appel à la sainteté et être un disciple missionnaire. Il s’agit bien de mieux connaître le Christ, de vivre de son mystère, reconnaissant que nous sommes tous membres du corps du Christ, chacun à sa manière et à sa place, vivant de la vie du Christ.

 

Merci pape François pour ces dix années : continuez à faire résonner au cœur de l’Église et dans le monde l’appel à aimer Dieu et à se laisser aimer par lui !

 

Mgr Alexandre Joly,

Evêque de Troyes